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Sur l’itinéraire d’un exilé espagnol devenu résistant…

Le Jour de votre nom


Le Jour de votre nom
Olivier Sebban

Éditions du Seuil
Rentrée Littéraire 2009

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Première phrase // Ils atteignirent une petite gare désaffectée, située à douze kilomètres au nord de Montauban.
Dernière phrase // Le souvenir de Graciela s’effaça sous les premiers coups de schlague.

 

Hiver 1939. Contraint à l’exil suite à un guet-apens tendu par son beau-père, Alvaro Diaz quitte l’Espagne fasciste pour la France, abandonnant son épouse et ses deux enfants. Il emporte avec lui un carnet écrit par sa soeur Esther, où il apprend que son père, mort au début de la guerre d’Espagne en héros, a vécu sous un faux nom et l’a transmis à ses descendants. Hanté par cette révélation, Alvaro traverse à pied les Pyrénées, seul, sans vivres ni argent. Malade et épuisé, il est arrêté à la frontière française et interné au camp de concentration de Gurs. Il y passe dix mois dans des conditions effroyables, sous la coupe du lieutenant Davers et du sadique Buisart, le directeur du camp. Gars, c’est aussi le lieu des révélations tragiques Alvaro y retrouve Paco, un ami qui lui apprend la mort de son fils Victor. Avec Paco et un autre détenu. Alvaro parvient finalement à s’évader. Tous trois sont recueillis près de Toulouse par un prêtre qui leur propose de rejoindre un réseau de résistance. Alvaro aide ainsi des enfants juifs à passer en Espagne sous de fausses identités. Sabotages, guérilla contre l’occupant… il est à la fois témoin et acteur d’opérations héroïques et de plus en plus désespérées.
A travers l’odyssée tragique d’Alvaro Diaz, l’auteur excelle à nous montrer des scènes fortes, qui témoignent d’une maîtrise et d’un sens du romanesque impressionnants. La trame historique, riche et passionnante, ouvre aussi à une réflexion très personnelle sur la trahison, l’exil et le secret.

Le Jour de votre nom nous conte l’histoire tragique d’Álvaro Díaz, que nous suivons depuis qu’il a été contraint à l’exil , après que, Hernández, son beau-père, qui lui vouait une haine féroce (« Díaz d’on-ne-sait-pas-où, peut-être communiste, pourqui pas youpin, qui mettra la réputation de sa famille en danger et bientôt la sécurité de ses enfants »), a tenté de le faire tomber dans une embuscade.
Álvaro, tout au long de sa vie, est littéralement hanté par la vie de son père, relatée par sa soeur dans un carnet qui ne le quitte pas et qui lui apprendra, notamment, que Díaz n’est pas son vrai patronyme :

… Álvares est notre véritable nom de famille. Díaz n’existe que depuis 1910, année au cours de laquelle notre père débarqua à Puerto de Santa María et s’y installa sous une identité fictive, pour rompre avec la faute qui le hanterait le restant de sa vie. (…) … Au moins son premier nom était-il sauf, gravé sur la stèle où reposait sa première épouse. Et maintenant qu’il l’avait, non pas renié, mais s’en était défait comme d’une mue, maintenant qu’il l’avait légué à la postérité d’une tombe, il pourrait poursuivre. Pourtant sa part morte, cette mue ne l’a jamais quitté. C’est de cela que nous avons souffert. C’est de son erreur, car il avait d’abord renoncé à vivre en arrivant à Puerto de Santa María, mais la vie, le hasard, cette force en lui toujours présente, malgré la perte de Ruth, lui ont permis de se relever et de se maintenir debout encore bien des années. C’est de son mensonge que nous avons pâti. Mais c’est également de cette opiniâtreté de la vie à vouloir poursuivre son cours au tréfonds d’un être brisé, que nous avons souffert.

 

Ce roman a le mérite d’explorer les prémices de la Seconde Guerre mondiale par cette facette plutôt méconnue que constitue la vie des réfugiés espagnols dans les camps français, notamment celui de Gurs qui « accueillaient » les adversaires du franquisme en 1939… Álvaro va y être interné. Les Espagnols ne sont pas les seuls à transiter dans ce camp mais également les communistes et les Juifs. C’est ainsi qu’il fera la connaissance de Zdenek Mazaryk et de Gad Rosembaum, Allemand, avec lesquels il aura la lourde tâche de s’occuper du « cimetière » du camp.

« [Gad] frissonne sans cesse, entre chaque pelletée de fange retournée. À cinquante-six ans, son corps n’est plus habitué à l’exercice et il doit souvent s’interrompre, remonter au bord de la fosse pour reprendre son souffle. Il s’en excuse à chaque fois. (…) [Álvaro et Zdenek] semblent enfermés dans leurs propres cauchemars et refusent d’entendre un homme qu’il faudra bientôt coucher dans son linceul. Ils se contentent d’acquiescer lorsqu’il répète inlassablement, entre deux cuillerées de soupe trop claire pour lui rendre ses forces déclinantes, qu’il a vu des milliers d’hommes munis de pelles marcher en ordre dans les rues de Berlin comme de preux fossoyeurs, disponibles pour la besogne qu’ils pratiquent ici, tous les trois, en amateurs rétifs, qu’ils accomplissent en pionniers malheureux dans le périmètre du cimetière de Gurs. »

 

Paco, son ami, sera, à son tour, interné dans le camp et suivra, Zdenek et Álvaro dans leur évasion. Ils vont tous trois être recueillis dans un village près de Toulouse, où ils vont, progressivement, prendre part à un réseau de résistance et devenir passeurs… entre autres actes parmi lesquels :

« Six gendarmes en patrouille défilèrent rapidement dans la saignée qui séparait un maquis de végétation givrée. Paco se retourna vers Álvaro et lui indiqua de sortir le contenu de la pochette en feutrine. Álvaro s’exécuta, précautionneux et leste. Il dégagea un unique bâton de dynamite enveloppé dans du papier journal et le donna à Paco. Leurs regards se croisèrent, dénués de peur mais contaminés par une haine aussi froide et poreuse que le vide où se perdait la conversation des hommes. (…) Les gendarmes entendirent le frottement de l’allumette, le chuintement de la mèche enflammée. Ils aperçurent le bâton de dynamite vriller puis tomber et se planter près d’eux comme une chandelle dans la neige. (…) La déflagration souleva le sol, pulvérisa une gerbe de boue enluminée de chair et de cailloux avant de retomber en pluie de terre, de neige fondue, de sang et d’aiguilles de pin. Son souffle chassa la poudreuse accumulée sur les arbres, délogea quelques corbeaux affolés et se répercuta en échos dans la vallée. Paco déglutit. La saveur de térébenthine et d’herbe coupée qu’il avait gardée en bouche se dissipa et il se leva, étonné de ne pas avoir été disloqué par l’explosion. »

 

L’atmosphère d’extrême tension est très palpable et présente tout au long du livre, que ce soit lors de son exil, comme lors de son internement ou de son intégration dans le réseau de résistance…

Pour retracer tout le périple de son héros, Olivier Sebban utilise les flashback, peut-être à outrance je vous dirais car ils peuvent s’avérer déroutants, surtout dans la première partie du texte. C’est d’ailleurs le seul bémol que je pourrais émettre sur ce roman qui aurait pu être formidable, d’autant que le style de l’auteur est plutôt agréable.

 

 

Le Jour de votre nom
Olivier Sebban
Éditions du Seuil, 2009

 

 

▲▲ N’oubliez pas l’avis d’Antigone.

 

  1. 2 septembre 2009 à 09:52

    Tiens, il donne envie ton billet ! Tu participes au challenge 1% rentrée littéraire ?

    • RikMü
      2 septembre 2009 à 15:43

      Si tu t’intéresses à cette partie de notre Histoire, n’hésites pas. Par contre, il faut un peu s’accrocher dans le premier tiers du livre.
      Pour ce qui est du challenge 1% rentrée littéraire, je viens à peine de poser mes bagages au sein de la blogosphère donc… non 😉

  2. 3 septembre 2009 à 09:57

    Un commentaire qui donne envie de lire ce roman, merci !

    • RikMü
      3 septembre 2009 à 14:26

      C’est ce que j’ai essayé de faire. Merci à toi Stephie 😉

  3. 3 septembre 2009 à 20:21

    Et pourquoi pas, malgré les intempestifs flash-back !

  4. benebonnou
    3 septembre 2009 à 22:43

    Je vais jeter un oeil à ce titre. Il me plait bien ton article!

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